Covid-19 : « Il apparaît clairement, que le président de la République a encore été abusé par les ennemis de l’unité nationale ». Louis Jocelyn Ngoma

LIBREVILLE (Equateur) – Dans un entretien accordé à la rédaction de l’Agence de presse Equateur, le 1er secrétaire général adjoint de la Confédération syndicale gabonaise (Cosyga), Louis Jocelyn Ngoma, a donné son point de vue sur les mesures annoncées par le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, pour aider la population, les travailleurs et le patronat, à faire face à la pandémie du Convid-19 et au confinement partiel.

 

Agence de presse Equateur : Que pensez-vous des mesures annoncées par le président de la République, Ali Bongo Ondimba ?

Jocelyn Louis Ngoma : J’ai pris connaissance du discours du président de la République, Ali Bongo Ondimba, sur les mesures d’accompagnement pour faire face à la pandémie du Covid-19 et au confinement partiel. D’entrée de jeu, il y a beaucoup d’incohérences dans plusieurs mesures. La situation qui se dessine est très critique, et la soutenir sous un tel angle, n’est pas très rassurant sans langue de bois. S’agissant de la mesure sur le dépistage massif, c’est une initiative louable, mais il faudra prévoir en moyenne, compte tenu de notre densité démographique, au minimum un million de kits de dépistage rapides. Il est vrai que le Chef de l’Etat a annoncé la création de 60 centres de dépistage sur l’ensemble du territoire, c’est très bien.  Mais cette mesure aurait été plus pertinente si on y prenait en compte, les conclusions du dialogue social avec les partenaires sociaux des hôpitaux en grève, afin de garantir leur adhésion, car sans eux tout le reste est utopique. Et nous pensons que toutes les structures de santé publique devront également offrir gratuitement des dépistages.

 

Pensez-vous que le confinement du grand Libreville permettra de maitriser la pandémie au Gabon ?

Au sujet du confinement du grand Libreville, dans un avenir très proche, c’est une initiative qui paraît nécessaire, et implique que dans les mêmes délais, les 60 centres de dépistages soient opérationnels, et les dépistages dans les structures publiques effectifs, car le succès d’une telle opération se fonde également sur l’effectivité des dépistages massifs. Un confinement sans dépistage est contre productif. Au regard de ce qui précède, on peut aisément conclure d’une part, que la réponse sanitaire à la crise n’a pas été réellement évaluée. D’autre part, rien n’a été annoncé en ce qui concerne la capacité en appareil respiratoire dans les structures sanitaire sur l’ensemble du territoire. Or, l’appareil respiratoire est un dispositif médical vital, dans la prise en charge des malades.

 

Les mesures de soutien massif exceptionnel ont également été annoncées pour prendre en charge les personnes économiquement faibles. N’est-ce pas là un acte majeur de solidarité du Chef de l’Etat ?

Effectivement, l’Etat va injecter 4 milliards/mois pour la consommation d’électricité contre 2 milliards/mois pour celles de l’eau en faveur des gabonais économiquement faibles. Cependant, faut-il comprendre que l’eau et l’électricité ne seront pas gratuites pendant cette période de survie ? Et les autres gabonais non classés dans la catégorie supra, tels que ceux des secteurs hôtelier, tourisme, informel etc.., dont les activités pour certains sont déjà à l’arrêt, et le seront pour les autres pendant le confinement. Devront-ils trouver eux-mêmes des solutions pour régler leurs factures? Pourquoi ne pas avoir fait comme les pays de la sous région, en rendant l’eau et l’électricité gratuites pour tous ? C’est un minimum vital. Quelle différence il y aura t-il pendant le confinement, entre les gabonais économiquement faibles et les autres gabonais ? Le covid-19 a l’avantage au moins de nous rendre pour une fois égaux.

 

Durant la période du confinement, les loyers seront pris en charge par l’Etat, mais pas pour tout le monde. Est-ce une bonne chose ?

En ce qui concerne la suspension pendant le temps du confinement partiel, de la perception des loyers des personnes sans revenus dont la liste sera arrêtée ultérieurement par le gouvernement, vous imaginez le temps que prendra le recensement en y ajoutant les formalités de contrôle des critères d’éligibilité ?? Nonobstant cette catégorie de compatriotes, tous les autres dont les activités sont déjà en arrêt pour certains, et pendant le confinement pour les autres, devront-ils se démerder pour régler leurs loyers et baux commerciaux ? Nous faisons allusion aux tenanciers de petits commerces (Épiceries, bars, coiffeurs, restaurateurs, etc). Il est vrai qu’un fonds d’aide de 2,5 milliards de FCFA sera mis en place pour compenser les pertes des petits propriétaires liées à la précédente mesure. Et les autres, devront-ils se bagarrer avec leurs locataires ? Quels sont d’ailleurs les critères d’éligibilité au statut de petit ou grand locataire ? Autant de questions qui méritent des réponses.

 

Parlons maintenant de la gratuité du transport. Il faut dire qu’avec le Covid-19, les taximen ont augmenté les prix du transport. C’est donc un soulagement pour la population.

S’agissant de la gratuité du transport terrestre assuré par les compagnies publiques pour l’ensemble des gabonais à compter de la semaine prochaine et jusqu’à nouvel ordre, non seulement le réseau de déserte est limité, mais la quasi totalité de la population qui se trouve confinée, prendra le taxi pour les urgences. La réduction du prix du carburant à la pompe aurait eu pour avantage de minimiser la spéculation du prix du transport dans le secteur privé, pour soulager les citoyens.

 

Et que dire de la préservation du pouvoir d’achat des travailleurs, par la mise en place d’une allocation de chômage technique qui va se traduire par une perception de 50% a 70% du salaire brut mensuel hors primes ?

Considérant que ces primes pour plusieurs salariés sont liées aux charges de loyer, transport et électricité, alors qu’ils ne sont pas éligibles au bénéfice des mesures de gratuité de l’eau, l’électricité et le logement, comment avec 50% du salaire brut vont-ils s’en sortir? Le pouvoir d’achat étant corrélé au panier de la ménagère, leurs variations doivent être proportionnelles pour le maintien de l’équilibre du ratio (salaire /coût de la vie). Et concernant les faibles revenus compris entre 80.000 FCFA et 150.000 FCFA, qui seront intégralement maintenus, il faut dire que la majorité de ceux qui gagnent ce salaire, travaillent dans les activités des petites structures, qui sont actuellement fermées. Avec quoi les tenanciers de ces petites structures vont-ils maintenir ces revenus ?

 

Êtes-vous d’accord avec la création d’un fonds invitant toute personne à contribuer dans un élan de solidarité ?

C’est une très bonne initiative, mais qui aura la gestion de ce fonds, quand on sait que ce type d’initiative n’a jamais respecté les objectifs de leur mise en place, vu que les fonds sont souvent détournés ? Pour preuve, où en est ce fameux fonds pour les générations futures ? L’Etat va injecter 5 milliards FCFA dans ce fonds pour créer une banque alimentaire en faveur des personnes en situation de détresse et d’urgence. Cependant, le confinement n’épargne aucune population, il nous met tous en situation de détresse et d’urgence.

 

Le président de la République a également annoncé des mesures en faveur des entreprises.

La réduction de 50% des patentes et de l’impôt synthétique libératoire ? Nous disons que c’est une bonne initiative, mais pourquoi ne l’avoir pas étendue à l’ensemble de l’assiette fiscale ? La création d’un guichet de financement d’urgence de 225 milliards de FCFA pour répondre immédiatement au besoin urgent de trésorerie des entreprises, concerne-t-elle toutes les entreprises au sens large du terme ? Pour les entreprises en cessation d’activité ou en grandes difficultés liées à la crise, un moratoire sur l’échéance de dettes envers les banques s’effectuera sans aucune pénalité. Vous a-t-on indiqué les banques qui ont consentis à l’adhésion de cette mesure ? S’agissant de la remise d’impôt à l’endroit des entreprises qui feront montre de solidarité et d’exemplarité en cette situation de crise, nous voulons dire à Monsieur le président de la République, qu’en temps de guerre, l’Etat puissance publique réquisitionne de gré ou de force l’ensemble de toutes ressources disponibles dans l’intérêt général de la nation. Et nous sommes en guerre !

 

Un dernier mot

Nous déplorons le silence du Chef de l’Etat sur la réduction du train de vie de l’Etat, la contribution à l’effort de guerre de tous les collaborateurs du Chef de l’Etat, des membres du gouvernement, des grosses fortunes, des élus du peuple, etc. Aucune mesures de facilité à l’accès aux produits de premières nécessité, tels que vivres, gels, gants, masques, alcool, etc. Aucune mesure dans le sens des baux commerciaux, alors qu’il a été recommandé la cessation ou la réduction de toute activité économique et commerciale. Aucune mesure à l’endroit de la recherche scientifique pour permettre à nos chercheurs de contribuer à trouver des réponses scientifiques à cette pandémie.

 

Il apparaît clairement, que le président de la République a encore été abusé par les ennemis de l’unité nationale. Pour une population d’à peine 1,8 million d’habitants, on peut faire mieux, dans l’intérêt de notre vivre ensemble. Un Proverbe bien de chez nous dit : si tu veux donner du miel à un aveugle, ne commence pas par lui mettre dans la bouche quelque chose qui est amer. En effet, nous avions là, une opportunité pour amorcer la réconciliation des gabonais entre eux et par conséquent l’unité nationale.

 

 

Propos recueillis par James RHANDAL

 

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