Gabon/Transport aérien : La suspension de la redevance de sûreté, une décision prématurée de l’ANAC ?

LIBREVILLE (Equateur) – La récente annonce faite par le Directeur général de l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC), le général de division Éric Tristan Franck Moussavou, relative à la suspension de la redevance de sûreté aérienne dite « N7 », a surpris plus d’un observateur. Si la mesure a semblé répondre aux préoccupations exprimées par l’Association des opérateurs aériens (AOC) exerçant au Gabon, elle soulève néanmoins des interrogations sur le plan institutionnel et hiérarchique.

 

En effet, les organes spécialisés œuvrant dans la sécurité et la sûreté aérienne sont bien connus . Il s’agit de l’ANAC, le Bureau d’enquêtes sur les incidents et accidents d’aviation (BEIAA) et l’Office national de sûreté et de facilitation des aéroports du Gabon (ONSFAG).

 

Ces derniers sont placés sous une double tutelle. D’une part, une tutelle fonctionnelle définie par les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). D’autre part, une tutelle hiérarchique qui dépend directement du ministère des Transports.

 

Dans un tel cadre, il revient exclusivement au ministre, en l’occurrence Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, d’entériner et de communiquer officiellement les grandes décisions, notamment par voie d’arrêté.

 

Ainsi, la sortie du Directeur général de l’ANAC interroge : pourquoi anticiper la décision de suspension alors qu’une commission interministérielle est déjà à l’œuvre pour revoir l’ensemble du dispositif tarifaire dans le secteur aérien ?

 

Cette commission, souvent qualifiée de « commission Haddock », travaille précisément à établir la liste exhaustive des taxes et redevances afin d’apporter des correctifs équilibrés et transparents. Pourquoi le DG ANAC s’est-il autorisé sans consultation aucune, de communiquer sur un sujet de ce type sans s’en référer au ministre?

 

Contrairement à certaines idées reçues, ce n’est pas la seule taxe de sûreté qui explique la cherté des billets d’avion au Gabon, selon de nombreux experts, il s’agit plutôt de l’accumulation de multiples prélèvements appliqués au secteur.

 

La redevance N7, qui représente environ 1 % du prix du billet, permet notamment de financer les prestations de la société britannique Westminster Group, chargée de la sûreté aéroportuaire, ainsi que les charges de fonctionnement de l’ONSFAG. Supprimer cette ressource reviendrait à fragiliser cet organisme, voire à le mener à la faillite.

 

Le précédent de 2018 est encore dans les mémoires : à l’époque, une grève de l’ONSFAG avait paralysé les aéroports du pays sous le ministre Justin Ndoundangoye, rappelant combien la stabilité du financement de la sûreté aéroportuaire est cruciale.

 

De plus, il faut dire que les compagnies aériennes, regroupées au sein de l’AOC, sont des partenaires stratégiques de l’État gabonais. Elles participent aux concertations, notamment à travers l’Association internationale du transport aérien (IATA), avec laquelle des discussions en visioconférence ont eu lieu.

 

Un consensus a été trouvé pour que la taxe de sûreté soit supportée par les compagnies aériennes et intégrée dans le nouveau système mis en place par l’IATA.

 

Il importe donc, au regard de ce qui précède, de rappeler les missions respectives des trois principales entités du secteur :

 

ANAC : régulation et supervision de l’aviation civile ; BEIEA : enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation ; ONSFAG : sûreté et facilitation dans les aéroports.

 

Chacune a son couloir d’action et ses responsabilités propres. Mais en dernier ressort, c’est au ministre des Transports qu’il revient de valider toute décision majeure. Dans le cas présent, la suspension de la redevance de sûreté ne peut être effective qu’après l’adoption d’un arrêté ministériel.

 

À ce qu’il semble, il paraît tout évident que le DG ANAC ait voulu mettre le ministre des Transports en difficulté, ce en se donnant toute la latitude de répondre unilatéralement à un sujet de cet intérêt.

 

Face à la confusion créée, le ministre Ulrich Manfoumbi Manfoumbi est désormais appelé à recadrer ses directeurs afin de garantir une communication cohérente et une gestion rigoureuse des enjeux sensibles qui concernent à la fois la sécurité des passagers et l’équilibre financier du secteur aérien.

 

 

LA RÉDACTION 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à notre Newsletter